Le tourisme sexuel pris à son jeu… de dupe

Article : Le tourisme sexuel pris à son jeu… de dupe
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19 mars 2013

Le tourisme sexuel pris à son jeu… de dupe

Le choix, l’étape cruciale

Entre deux récoltes de mangues vertes sur les arbres centenaires bordant l’avenue centrale qui traverse la ville, accompagné de ses amis, Lamptey, surnom d’une ex star ghanéenne du foot donné à Yassine, la vingtaine, se replie avec son groupe sur la plage pour rincer le fruit de leur cueillette du jour. Ils portent tous un pseudo de vedettes du ballon rond qu’ils prennent le soin de floquer sur les maillots de contrefaçons achetés ou échangés contre des noix de coco sur les étales du grand marché de Madina en Guinée.

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Plage du gouverneur (Le Sogué) Guinée

Les mangues seront plus tard conditionnées pour accélérer leur maturité avant d’être proposées à la vente à la sauvette dans les embouteillages. Les clients sont triés sur le volet. Ce sont en général des hauts cadres de l’administration ou, beaucoup plus souvent, des propriétaires de voitures de coopérants internationaux reconnaissables par leurs plaques d’immatriculation : VA pour Voiture Administrative, EP pour Entreprise Privée et CD pour Corps Diplomatique. Le filon est juteux et les jeunes gens, tout à l’atteinte de leur but, ne connaissent aucune autre routine que le risque considérable qu’ils prennent pour se hisser au sommet de ces vieux arbres aux branches souvent fragiles. De très graves à mortelles, les différentes chutes enregistrées jusque là n’ont pu entaché la motivation du groupe dans la réalisation de leur très curieux projet.

Il faut dire aussi qu’elle ne laisse personne de marbre l’image de ces opulentes vacances de leurs précurseurs qui eux ont réussi la traversée vers les horizons scandinaves, l’Europe occidentale, l’Amérique du Nord, l’Australie ou le Japon. De grosses berlines envoyées par fret maritime et quelques nécessaires pour rendre agréable le petit séjour n’excédant pas un mois, précèdent le retour clinquant de ces amis, au bras de leurs épouses blanches.

Djego, un ancien footballeur qui a eu une carrière honorable entre l’Espagne, la France, la Hollande et le Qatar avant sa retraite, fût le premier à leur proposer ce chemin migratoire dans sa toute première version. Moyennant une reconnaissance de dette signée par des notabilités du quartier et souvent accompagnée par la mise en gage de biens immobiliers, il assurait le transport et le séjour en Gambie de tous les candidats pour l’Eldorado (leur appellation et conception de l’occident). Il ne suffisait plus qu’à attendre les charters de sexagénaires auxquelles des tours opérators officiant sur la destination Gambie vendait un tourisme sexuel assuré.

Le conditionnement

Nanti de son expérience d’ancien sportif de haut niveau, Djego prenait à bras le corps les préalables nécessaires au voyage. Six mois d’entraînements intensifs pour acquérir un capital musculaire enviable étaient imposés à tous les postulants. Les séances de percussions et de danses traditionnelles, qui constituent un élément essentiel dans le processus de séduction, étaient également travaillées au détail prêt. Et, pour cela, l’ancienne gloire d’une troupe de danse africaine mondialement connue, recrutée pour l’occasion, s’attelait de très bonne foi à cette tâche. En véritable chef d’entreprise, Djego ne badinait avec aucun détail pour la réussite de du projet. La touche finale qui est la sienne, et dont il est l’un des premiers à soutenir son attrait sur les femmes blanches, est ce look de Rastaman qu’ils arboraient tous. Les dreadlocks ont été travaillés minutieusement une année durant par les jeunes, leur donnant, pendant ces séances de façonnage collégiales sous les cocotiers, l’image sympathique d’une troupe de bonobos en train de s’épouiller. Attitude décriée par leurs différents pourfendeurs qui ne voyaient en cela que la preuve de l’inqualifiable oisiveté d’une jeunesse désœuvrée.

La marchandise enfin prête pour la consommation pouvait être acheminée dans un minibus HIACE, de la firme Toyota, via Koundara vers les frontières sénégalaises puis gambiennes avant les kilomètres de sables fins de la côte atlantique.

Coach et entremetteur

Un ancien professionnel du football de haut niveau est en substance un polyglotte né. Un atout considérable sur lequel Djego s’appuie régulièrement pour placer sa horde auprès des sémillantes retraitées, pour certaines ayant l’âge de leur grand-mère. Les consignes étaient sacrées et devraient être respectées à la lettre en particulier quant au fait de laisser longtemps la sauce mijoter. Créer l’envie, et pour l’entretenir, le coach disait, ne pas céder tout de suite, gage de réussite pour chaque rencontre. De footballeur à fin euro-psycho-sociologue, la frontière n’existait presque plus. Chaque instruction venant de sa part était loin d’être gratuite, mais avait le mérite de toujours provoquer l’effet escompté. Chaque jeune  accoquiné à une fringante dulcinée aux cheveux blancs a plus tard été légalement invité par cette dernière en Europe, à la suite d’un mariage scellé officiellement. Djego s’enorgueillit aujourd’hui d’un taux de réussite flirtant avec les 95%, de quoi susciter l’étrange vénération de toute son écurie.

Les nouveaux réseaux.

En perte de vitesse depuis que ce trafic est couramment dénoncé par les ONG et les associations, les jeunes footeux ont entrepris de piocher dans la besace nationale. Même procédé, mais cible considérablement différente en terme d’âge. Ce sont généralement des jeunes dames en stage pour des ONG internationales ou pour des structures gouvernementales de coopération qui sont « à l’insu de leur plein gré » l’objet de ces assauts Don Juannesques. Lamptey et ses amis, cités plus haut, entrent dans cette catégorie de candidat pour la traversée vers l’occident, non pas par Lampedusa, ni par les cotes italiennes ou grecque, que nenni de tout ça, mais par la voie régulière des aéroports internationaux.

Ayant aperçu et sélectionné leur perle à la musculature de folie, sur une scène lors d’un café concert, pour certaines, ou pour d’autres, au cours d’une traversée vers les plages de Sogbané ou du Sogué à quelques escarmouches en pirogue de Conakry, ces jeunes dames ne jurent plus que par l’exotique black au dreadlocks.

« Ça mord à tous les coups, disent-ils, dès qu’une blanche se présente, attirée par le rythme virevoltant du «doundoumba» (la danse des hommes forts), généralement, trente jours suffisent pour passer de célibataire à marié et de nous retrouver époux et épouse devant un consulat européen pour une demande de visa de long séjour.»

Un flux migratoire légal que l’Occident dénigre de plus en plus en le taxant de mariage gris. L’Occident a ses raisons qui se réfèrent à sa réalité et rarement à celle des autres.

On se perdra à chercher un gagnant ou un perdant à ce nouveau fait de société, comme le titre l’annonce, les règles d’un jeu de dupe on été posées, les premières victimes s’en sont servies pour les retourner contre leur bourreau, dans un jeu de manipulations perfectionnées établies par un des leurs… nanti des clés de l’occident.

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